Judith Maria Kleintjes est une artiste visuelle qui vit et travaille à Amsterdam et à Düsseldorf. L’année dernière, elle a exposé certaines de ses œuvres à l’Atelier Néerlandais. L’AN voulait savoir quels étaient ses projets pour l’année à venir.
Quel est le th`eme dans votre oeuvre artistique?
Dans mon travail, j’explore les phénomènes du temps, du silence et de l’espace. Le dessin en est la base, comme un sismographe qui enregistre des observations fugaces, tantôt au crayon, à l’encre ou à la porcelaine, tantôt aux ciseaux. Je recherche l’avant-garde, en équilibrant subtilement la beauté et l’inquiétude, l’idée et l’image finale.
Mon inspiration directe est l’essence de la nature. Les processus de transformation naturels, la lutte de pouvoir sous-jacente et l’énergie qui détermine la forme de l’apparence, je les mets en relation avec ma propre perception, ma façon de penser et d’agir en tant qu’être humain. J’observe également le contexte social dans lequel il s’inscrit : comment gérons-nous les changements de la nature ? Cette question est plus que jamais d’actualité. Analyser et réagir à ces processus est une source d’inspiration constante pour moi. La philosophie, la poésie et la mythologie y jouent un rôle important.
Lorsque je développe de nouveaux projets, je réfléchis toujours au support qui convient le mieux au concept et au contenu de l’œuvre en cours. L’inattendu d’un certain matériau est souvent préféré et constitue donc une partie importante de mon travail/idée. Un changement, qu’il s’agisse d’une mutation ou d’une mutilation, se produit toujours à l’endroit le plus vulnérable, là où la nature ou une forme corporelle s’approprie, ou la résistance est la moindre.
Un bon exemple en est l’époque où j’avais une bourse d’artiste en résidence au Centre européen de la Céramique à Oisterwijk. C’est là que j’ai commencé à travailler pour la première fois avec la céramique, un matériau qui ne m’était guère familier. Je me suis donc mis au travail sans expérience, mais avec une idée. Ce qui reste et ce que l’on trouve en archéologie, ce sont des objets symboliques ou utilitaires ; en revanche, j’ai voulu travailler sur l’immatériel et le passage du temps. C’est précisément cette intangibilité, ces ombres, que je voulais essayer de capturer dans la porcelaine. Il en résulte des « fragments de temps » amorphes – des morceaux de temps, des taches de lumière et d’ombre, solidifiés dans un matériau qui a lui-même été créé par la lumière et le temps.
Ce qui est remarquable, c’est que cela était déjà inconsciemment visible dans mes travaux antérieurs. J’ai regardé mes œuvres précédentes et ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai réalisé que je travaillais sur ce projet depuis bien plus longtemps. En tant qu’artiste, vous vous rattachez à la réalité, et si elle est bonne, le spectateur en perçoit quelque chose dans l’œuvre d’art. Parfois, quelqu’un reconnaît quelque chose dans votre travail, un lien ou une cohésion, que vous n’aviez pas remarqué vous-même.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Après une année bien remplie avec plusieurs expositions, je suis maintenant de retour au studio pour faire de nouvelles œuvres, lire, réfléchir. À la fin du mois de février, je me rendrai au Sri Lanka, où j’ai vendu quelques œuvres à un centre de villégiature, et je travaille actuellement sur de nouvelles œuvres qui seront également achetées. En mai et juin, j’ai une bourse pour travailler à la Cité Internationale des Arts à Paris. Je suis très impatient de le faire. Pour moi, il est très important d’aller quelque part en tant qu’artiste en résidence, car cela peut donner une nouvelle impulsion à mon travail. Elle conduit à l’approfondissement.
Reviendrez-vous bientôt à l’Atelier Néerlandais ?
Pour être honnête, je ne sais pas. J’aimerais bien, mais je ne veux pas m’y engager. Je serais alors à nouveau en train d’organiser, alors que je veux utiliser mon temps à Paris pour de nouvelles impulsions.
Et vous avez exposé à l’AN l’année dernière.
C’est vrai ! Dans l’exposition À propos pandémie, en juin 2021. Ces œuvres sont également le résultat d’une recherche dans mes travaux antérieurs dans le contexte de la pandémie ; j’ai enfin eu le temps de faire le tri. Pendant la pandémie, le temps s’est soudainement « arrêté », la respiration a été retenue, des « trous » se sont formés dans le temps. La perception était à fleur de peau, la menace était ressentie mais non ressentie. Une conscience différente et nouvelle des processus de la nature liés à nos propres actions. Plus visible que jamais, une nouvelle réalité mondiale. Dans mon atelier, j’ai créé des œuvres dans lesquelles j’ai commencé à découper au scalpel des dessins en partie déjà existants : un geste destructeur ultime qui a finalement conduit à une nouvelle phase constructive de mon travail. Dans l’œil du cyclone, vers un silence hors du temps.