Adoptons les conteurs, les consolateurs et les imaginateurs du futur

FOTODOK expose de jeunes talents néerlandais à l’Atelier Néerlandais. Un entretien avec sa directrice Femke Rotteveel.

Cette année, pour la première fois, l’ambassade à Paris a lancé deux appels à candidature pour la programmation culturelle à l’Atelier Néerlandais. L’un pour la FIAC et l’autre pour Paris Photo. En raison de la pandémie, les deux salons ont été annulés et les activités reportées d’un an. Qu’avons-nous manqué et sur quoi pouvons-nous compter l’année prochaine à l’Atelier Néerlandais lors de Paris Photo ? Nous avons récemment publié une interview avec Steven van Teeseling, directeur de la Fondation Sonsbeek, sur les activités que Sonsbeek avait initialement prévues pour la foire d’art contemporain FIAC 2020. Dans cette interview, nous nous entretenons avec Femke Rotteveel, directrice de FOTODOK, Fondation pour la photographie documentaire à Utrecht et lauréate de Paris Photo.

Le jury a choisi le programme de FOTODOK « Blurring the Lines » comme proposition gagnante. Pouvez-vous nous parler de ce programme ?

Blurring the Lines a débuté il y a cinq ans à l’initiative de FOTODOK avec le Paris College of Art et l’institution italienne Urbanautica. Il s’agit d’un programme destiné aux jeunes photographes talentueux récemment diplômés. Dans Blurring the Lines, nous sélectionnons des diplômés d’académies d’art internationales. Nous rassemblons les meilleurs projets dans une publication et une exposition que nous présentons dans les principaux festivals de photographie tels que Unseen et Paris Photo. Avec Blurring the Lines, nous promouvons les projets de fins d’études des étudiants et contribuons à leur reconnaissance internationale. Nous nous développons petit à petit. Cette année, nous avons reçu 151 candidatures de 38 écoles de photographie participantes du monde entier. Et croyez-moi, il s’y cachent beaucoup de talents. Blurring the Lines rassemble les photographes. Nous offrons un réseau sécurisé dans lequel vous pouvez vous développer, partager et sortir des sentiers battus en tant que photographe.

La crise de corona a frappé le secteur culturel de plein fouet. Qu’avez-vous remarqué en tant que directrice de musée au cours de la période écoulée ?

La résilience des jeunes artistes et en même temps leur vulnérabilité. Je suis impressionnée par la créativité et l’imagination de nos jeunes talents. En particulier pour les grands sujets mondiaux, l’aspect visuel est d’une grande valeur ajoutée. Je l’ai vu clairement dans le travail de nos photographes sélectionnés. Ce sont les « antennes » de la société qui montrent des choses qui autrement resteraient sous-exposées. Mais en même temps, leur base est fragile et vulnérable dans sa survie. La culture et la créativité pourraient constituer un excellent soutien en cette période de crise incertaine. Malheureusement, vous voyez que l’art est moins lié à la société qu’il y a une centaine d’années. L’art et la culture ont été relégués aux marges de la société, ce qui rend l’artiste vulnérable.

Pouvez-vous nous expliquer ce dernier point ?

À mon avis, la politique actuelle considère trop le secteur culturel comme un hobby ou un luxe, du moins pas comme une solution et un soutien en temps de crise. Je suis surprise que l’imagination, la consolation et le fait de faire quelque chose à partir de rien ne soient pas appréciés et pleinement exploités, surtout maintenant. Les photographes documentaires sont avant tout des personnes qui peuvent jouer un rôle dans la représentation de l’avenir et donner un visage aux développements et aux dilemmes parfois abstraits. Adoptons donc les conteurs, les consolateurs, les explorateurs de la vie, les faiseurs de perspectives et les imaginateurs du futur.

Pourquoi avez-vous participé à notre concours ?

Tous ceux qui travaillent dans la photographie se rendent chaque année à Paris Photo pour voir et parler à des collègues du monde entier. C’était une grande opportunité d’exposer à l’Atelier Néerlandais exactement à cette période et d’organiser un programme en parallèle. D’autant plus que notre partenaire de Blurring the Lines est à Paris et que nous avons une excellente base ici pour pouvoir organiser un tel programme.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que nous verrons l’année prochaine à Paris Photo ?

Nous montrerons une sélection de sujets divers, allant de thèmes personnels comme l’identité à des travaux sur des thèmes mondiaux passionnants – le climat par exemple – et tout ce qui se trouve entre les deux. Nous verrons les talents que les académies néerlandaises ont formés. De plus, pendant la période de Paris Photo, nous organiserons différents ateliers à l’Atelier Néerlandais. Je voudrais en particulier mentionner le Book Club de Rob Hornstra, que nous présenterons pour la première fois en dehors des Pays-Bas. Les visiteurs pourront se familiariser avec de beaux livres de photos et leurs créateurs. Et où mieux faire cela qu’à Paris, ville de tradition photographique par excellence ?